Entrevue : LaF

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On le sait, le rap prend de plus en plus de place sur la scène culturelle québécoise. Dans les dernières années, un nombre croissant de groupes hip-hop émergent des profondeurs de la ville (surtout Montréal pour l’instant) pour se retrouver sous les projecteurs des plus grosses scènes et dans les oreilles du grand public. Laf (prononcé La f), jeune formation originaire de Montréal, vient juste de confirmer cette tendance en remportant la première place à l’un des plus gros concours musicaux du Québec. Lors de leur passage à Québec, j’ai eu la chance de jaser avec les gagnants des Francouvertes 2018 à propos de leur parcours et leur nouvel EP, qui était encore en finition au moment de notre entretien.

Peu de gens le savent, mais avant d’être Laf, le groupe se nommait La famille et avait une direction bien différente.

Jah Maaz : « La famille c’était plus un collectif de plein de personnes avec plein de gens de notre cercle qui ne faisaient pas forcément de musique, plus des amis quand on étaient au cégep. À force de faire des chansons, quand on a voulu se concentrer plus sérieusement sur la musique et qu’on a voulu se lancer dans un vrai projet, on a décidé de resserrer la formation et de former un groupe, quelque chose de précis. »

Le collectif s’est tranquillement défini à un noyau de six joueurs. Sur la scène, ils sont trois MCs (Mantisse, Bkay et Jah Maaz) et un DJ (Bnjmn.lloyd), mais en studio, toute la musique est conceptualisée par trois beatmakers comprenant Oclaz et BLVDR.

Bkay :  « On est six personnes en studio, mais quatre sur le stage. C’est deux formations, mais le même groupe. C’est important pour nous que le branding soit autour des six têtes, parce que quand on est en studio, on est réellement six personnes à créer et à penser nos albums. Pourquoi quatre sur le stage? C’est parce qu’on a pas encore trouvé la façon d’incorporer trois beatmakers sur la scène. Julien agit à titre de DJ, mais ça prend pas plus que deux mains pour faire le travail qu’il fait. »

Mantisse : « C’était un souci d’efficacité en fait. Depuis les Francouvertes, on a monté notre setpour l’événement pis on a gardé cette formation pour garder un fil conducteur de spectacles en spectacles et ça se partage avec un DJ. Y’a pas de déséquilibre, on travaille sur les mêmes effets, les mêmes cuts, ça permet de devenir plus à l’aise avec notre musique. »

En rap, il est normal de voir plusieurs MCs s’échanger les verses et ainsi créer un côté très dynamique propre à ce genre musical. Mais avoir trois têtes qui travaillent sur la musique est assez inhabituel. Souvent, on retrouve sur un même album plusieurs concepteurs de trames musicales qui ont chacun leurs chansons. Je me suis intéressé à leur méthode de travail pour que tout fonctionne bien.

Benjamin : « On a une nouvelle recette. On est beaucoup en retraite, on essaie de sortir de la ville. Souvent on travaille des prods et on commence à trois, on jette des idées, des brouillons. Y’a plusieurs étapes à la production aussi : on a le brouillon, ensuite les prods sont retravaillées et retravaillées et retravaillées, comme pour le projet qui s’en vient et ensuite on s’en va en studio les enregistrer, mais on travaille vraiment à trois au début, c’est important pour nous. »

Bkay : « En fait c’est la même chose pour les MCs. Le prochain projet, on l’a vraiment fait a six de A à Z. Les gars produisaient le beat devant nous et nous on était en train d’écrire, souvent Thom (Mantisse) avait sa guit, on rajoutait de la guit, nous on commençait à écrire des verses, des refrains. Parfois, on enregistrait le refrain avant que la prod soit finie. Le processus s’est vraiment fait à six de façon très instinctive. On a trouvé quelque chose qui fonctionne dans cette façon de travailler. »

Leur nouvel EP Hôtel Délices est donc très organique et représente très bien la nouvelle direction que la formation veut prendre dans un son qui leur est propre et représente équitablement les six membres de la formation.

BK : « On lance un EP le 21 septembre au Ministère avant de sortir un album en 2019. L’album le plus légendaire que le rap queb aura connu! C’est le EP qu’on a travaillé dans les six derniers mois. C’est un projet qu’on a fait dans l’optique où on se retenait de faire un album tout de suite. L’album a commencé à être pensé, mais n’est pas en processus de création.

On voulait faire un EP aussi parce qu’on voulait pas trop attendre avant de sortir nos nouvelles tracks. On est encore vraiment down pour tous les beats du EP et c’est un bon moment pour les sortir. »

Ce nouvel opus du groupe est donc une réponse directe à leur passage aux Francouvertes qui leur a donné la plus grosse vitrine de la musique émergente du Québec.

Tout l’été, Laf s’est promené pour faire des spectacles un peu partout dans la province à bord d’une nouvelle van qu’ils ont acquis il y a quelques mois, quelques temps après leur victoire. On voulait savoir si la van était financée par l’argent des Francouvertes et qu’est-ce qu’ils comptaient faire avec leurs nombreux prix.

Mantisse : « Non, non. La van, c’est l’héritage de mon grand-père qui a été donné à mon père qui est maintenant prêtée à moi. Mon père m’a dit que j’avais le droit de la plier en quatre si je voulais, on a mis des logos dessus, parce que ça fait partie d’un projet visuel qui arrive sous peu. C’est notre véhicule de shows qui nous mène à travers le Québec. Y’est ben beau pis le monde en parle. »

Oclaz : « À la base, la bourse de SiriusXM est dédiée à un projet musical. »

Mantisse : « Y’a une majorité des prix qu’on conserve pour un album 2019 à venir. On a commencé à travailler sur le EP avant les Francouvertes. Et on s’est dit : donnons une réponse illico pour faire suite à ce concours. Ensuite, comme il y a beaucoup de prix, il s’agit de les utiliser au bon moment. On a un an pour les utiliser. On pensait utiliser la plupart pour un projet qui n’est pas le EP qui sort cet automne. On garde nos choux gras.

C’est un peu à ça qu’elle sert l’argent. C’est de faire cette musique avec une paix d’esprit et de pouvoir réaliser nos projets avec un courant moins sinueux, plus efficace. On peut l’utiliser pour s’asseoir un peu plus sur nos lauriers en terme d’efficacité pour le projet et avoir moins d’argent de notre poche à dépenser. Oui, on est encore indépendants, donc faire un projet, ça coûte beaucoup d’argent. On est beaucoup à contribuer, mais on pourra se concentrer plus sur la musique et moins sur le risque financier. »

Depuis notre conversation, le EP Hôtel Délices est sorti et témoigne de la professionnalisation de la formation. Depuis Monsieur-Madame, leur premier opus, chaque nouvelle sortie démontre que le groupe avance vite et se définit de plus en plus. Maintenant, j’ai vraiment hâte à l’album!

Pour ceux et celles qui peuvent s’y rendre, je vous recommande fortement de participer au spectacle de lancement de Laf, le 21 septembre prochain, au Ministère à Montréal et d’écouter leur nouvel EP. Si vous ne pouvez pas vous rendre à Montréal, bonne nouvelle! La formation participera au Show de la Rentrée de l’Université Laval le mercredi 12 septembre prochain.

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