Nuits MNBAQ : Nuit solaire – Musée national des Beaux-Arts du Québec, 27 octobre 2018

PAR

La fête avait commencé tout en douceur avec quelques amis adorables, à déguster un délicieux espresso alcoolisé au moyen de je ne sais quoi et un biscuit au « chocolat », et à peaufiner les costumes en vue de nos célébrations d’Halloween respectives. J’étais habillée en monstre-félinidé-ballerine, je pense, et les autres, en festivaliers mexicains. L’ambiance nostalgie était assurée par Manu Chao (pas très mexicain, mais chut!).

Que hora son, mi corazón?

9 h 30. Il est l’heure de partir pour le pavillon Pierre-Lassonde. La tempête avait commencé à se manifester, et en attendant l’autobus avec mon chapeau fluo poilu, j’ai déviergé le tapis blanc, tapissant le trottoir devant le parc du Vieux Passage de mes empreintes de bottes. Probablement une méthode de méditation spontanée pour me préparer à la soirée qui allait suivre.

*mode extravert on*

Je ne sors pas si souvent dans de grands événements, mais je ne manque jamais ceux du MNBAQ (du moins, les « spéciaux »). Cette fois, la brève description m’avait tout de suite accrochée : « Venez fêter l’Halloween et l’étrangeté au Musée. Au menu : art, musique et excentricité. » Étrangeté, musée, art, musique, excentricité dans une même phrase? All in.

Je n’étais pas la seule déguisée à descendre à Cartier. La soirée s’annonçait prometteuse. Je suis entrée fébrilement, sans subir d’attente au comptoir ni au vestiaire. La vibe était bonne. Les personnes devant et derrière étaient toutes affublées de costumes, certains impressionnant, comme Edward aux mains d’argent et un panneau solaire. Je suis saluée par un gars déguisé en drapeau du Québec, qui semble me reconnaître. Oh, c’est un acolyte photographe. Allô!

Chaque fois que je m’aventure dans l’immense antre blanc, j’ai momentanément le vertige. En réfléchissant à un plan pour ma soirée, je me saisis d’une première bière. Au menu, les excellentes potions du Griendel. Étant la seule déléguée EDC pour l’occasion, je n’ai pas beaucoup de contraintes. Je tiens spécialement à voir le spectacle de lancement du nouvel album de Millimetrik. Je suis de bonne humeur, j’ai soif de danse et de découvertes en tous genres.

Je fais le tour du rez-de-chaussée pour m’imprégner de l’ambiance. Le grand hall vibre déjà aux sons entraînants et difficilement qualifiables de la bande d’Orkestar Kriminal, dont les membres qui sont affublés de superbes costumes pour l’occasion (ou bien c’est leur look habituel? Who knows). La soirée est encore jeune, le parterre est clairsemé, mais je sais qu’à minuit, il sera difficile de se frayer un chemin dans la foule. Des couples de danseurs s’essaient sur les valses et autres rythmes bizarres de la fougueuse tribu.

Les beats dansants de Tupi Collective résonnent ensuite, dans l’intermède avant Millimetrik. Je décide d’aller explorer le troisième, où on promet une « performance de street art ». Je n’ai pas lu la description, mais ça m’intrigue. Je monte l’interminable escalier luisant. À destination, le lieu est calme, les gens, détendus et attentifs. On entend les boucles musicales tranquilles et singulières de Gramofaune, qui se décrit comme « la rencontre de l’acoustique et de l’électro ».  Ça chuchote en petits groupes, installés sur des coussins au sol ou sur des chaises aux alentours. On entend des éclats de rire. Les gens fixent le mur, sur lequel on peut voir une immense projection. Je finis par comprendre ce qui se passe en écoutant les conversations : deux graffeurs (Axe Lalime et Bryan Beyung) s’adonnent à leur art au moyen d’un outil de réalité virtuelle, et on peut suivre l’avancement de leur œuvre en temps réel, comme si on était derrière eux dans la rue. L’un des deux artistes dessine un buste de clown maléfique vraiment réussi, tandis que jouent des airs de cirque macabre. J’adore!

Je redescends à temps pour assister au spectacle de lancement du petit dernier de Millimetrik, Make It Last Forever, paru le 5 octobre dernier. L’ambiance est particulièrement survoltée, ce qui détonne avec l’expérience que je viens de vivre au troisième. Dès les premiers vigoureux coups de tambour, on constate que Pascal Asselin est en grande forme, et la foule manifeste rapidement son contentement. Une troupe de danseurs talentueux, habillés de tons pastel monochromes, accompagnent l’artiste et se délient doucement, suivant les différentes rythmiques. Je suis presque accotée sur la scène, et je les observe avec attention et fascination. La foule est nettement plus dense qu’à mon arrivée. Autour, des mariées cadavériques, des personnages d’Alice au pays des merveilles, capitaine Haddock, les Denise Drolet, des mimes, et j’en passe. Les danseurs descendent du stage très lentement et se suivent en file indienne parmi les gens costumés. L’atmosphère est tellement électrisante que le batteur perd ses baguettes à la première chanson! À l’avant, on bouge et on saute constamment, portés par la vague incessante des savants beats exécutés par le vétéran sur son drum électronique. Tout le monde semble heureux, ç’en est presque effrayant. Pendant le spectacle, on peut admirer une projection de paysages de Monument Valley. L’artiste nous confie des détails sur son voyage en précisant que celui-ci a été une source d’inspiration importante pour son dernier disque.

C’est une prestation dynamique, sans temps mort et qui se renouvelle constamment. La touche des danseurs rend le tout des plus captivants. Il peut être embêtant pour des artistes électro de maintenir l’attention de la foule sur ce qui se passe sur scène, mais ici, on assiste à tout le contraire. Chapeau!

Je demeure devant cette scène, le temps de reprendre mon souffle et d’attraper quelques chansons de l’auteur-compositeur-interprète Pierre Kwenders. L’artiste acclamé nous offre avec générosité des titres de son dernier opus au long titre, MAKANDA at the End of Space the Beginning of Time. Une prestation qui a dû groover à souhait jusqu’à la fin, j’en suis persuadée.

Le reste de la soirée a été pour moi un tourbillon incessant de montées et de descentes d’escaliers, de photobooth et de gin tonic en compagnie d’amis. J’ai donc de toute évidence cessé de prendre des notes. C’est ça, l’expérience des Nuits MNBAQ : vient un temps où tu perds le fil tellement tu profites du moment présent. Mon seul regret est d’avoir oublié – je vous le jure – la présence d’une scène dans la cour intérieure. Shame on me! J’ai cependant réussi à me remémorer certains éléments de ma fin de soirée au moyen des photos de mauvaise qualité que j’ai continué de prendre avec mon téléphone. J’aurais notamment dansé le funk pendant la prestation de Voyage Funktastique et développé une obsession pour les souliers et mollets (?) au deuxième étage pendant le spectacle de Ouri, dont la musique planante et même euphorisante m’a fait déconnecter de la planète terre. Je me rappelle par ailleurs assez bien d’avoir ri et chanté pas mal beaucoup avec La famille Ouellette dans le grand hall, notamment sur le tube interplanétaire « Et cetera », de Gabrielle Destroismaisons. J’aurais même, à ce qu’il paraît, appris à danser la salsa pendant ce show… Bref, on a eu vraiment trop de fun avec cette bande de bouffons!

Parlant de fun, même le retour à la maison à pied les jambes à l’air dans la tempête de grêle à trois heures du matin a été amusant. (Je dois préciser que c’était la fin des parcours d’autobus, et il y avait, semble-t-il, une pénurie de taxis.) Je n’aurais toutefois probablement pas survécu sans mon ami l’alcool ainsi que le soutien moral et la présence de mes deux autres potes, qui ont embarqué sans rechigner dans mon trip de regagner le domicile en marchant. J’ai eu les cuisses rouges pendant trois jours, mais ça aura tellement valu la peine!

Ce fut une soirée littéralement et métaphoriquement haute en couleurs, et tout simplement magistrale.

VOUS CHERCHEZ QUELQUE CHOSE?